Un village haut perché coiffant une colline isolée, une ponctuation de platanes et de cyprès, des bâtisses solidement ancrées dans le roc, une treille qui invite à s’attabler, c’est le « piton » de Cabriès qui a revêtu les plus beaux atours de la Provence.
Le vieux château médiéval dominateur, l’église tout aussi ancienne mais enchâssée dans un écrin rocheux, les petites habitations colorées qui leur font face, délimitent un espace protégé qui rassemble les habitants et interroge le visiteur sur la perpétuation d’une vie sociale souvent disparue.
L’église respire le Moyen Age, même si son aspect actuel traduit des ajouts successifs. Le campanile est distinct du corps principal de l’édifice et pour donner bonne mesure à cette disposition peu habituelle en Provence, sa haute tour carrée se dresse sur l’assise d’une ancienne porte fortifiée du village, avant d’être surmontée de l’édicule en fer forgé, transparent au vent, qui soutient la cloche. Son élancement particulier et son horloge signalent immanquablement une présence bien vivante dans ce cœur de village méridional.
L’effet est accentué par la majesté des murs d’enceinte du château. Déjà au XIème siècle, l’habitat ouest de Cabriès s’était mis à l’abri, dans un « incastellamento », – un « enchâtellement » dirait-on en français – typique des villages fortifiés, ainsi qu’en attestent les études d’archéologues médiévistes. Quelques deux cents ans plus tard, les Seigneurs de Cabriès, puis les Comtes de Provence, complétèrent le castrum originel en faisant édifier au sommet du relief un puissant ouvrage, en pierres appareillées, tel que le haut Moyen Age en dissémina tant dans les petites cités isolées du pourtour méditerranéen. La hauteur imposante des murailles, autrefois crénelées, ne doit probablement pas ses dimensions qu’à des vertus défensives mais aussi à l’exiguïté du terrain et à la nécessité de préserver les nouvelles habitations qui, entre temps, s’étaient regroupées à l’abri du vent sur le flanc Sud du piton, tout en maintenant un chemin étroit au pied de cette enceinte.
Le paysage végétal, lui aussi, participe à l’imagerie. Le vieux Cabriès compte encore quelques beaux cyprès de Provence, en réalité tous issus du cyprès de Florence, un peu comme si le village avait fait allégeance à la capitale toscane, et même si les sujets plantés dans le cimetière-vieux, autour de la belle chapelle romane, l’ont d’abord été pour leur statut d’arbres de deuil.
L’histoire du château fortifié de Cabriès connait un prolongement inattendu avec l’arrivée d’Edgar Mélik en 1934. C’est dans l’arc septentrional de ce nid d’aigle que le peintre élit domicile et fixe son atelier jusqu’à sa mort en 1976. Tout naturellement, un musée, empli de toiles, de symboles et de souvenirs, a été aménagé autour des traces indélébiles que sa palette a laissées sur les murs mêmes du château et de la chapelle.
Le vieux village de Cabriès porte encore la trace des outrages du temps. Mais un important programme de restaurations et de réhabilitations est en cours d’élaboration, pour redonner à ce joyau de Provence l’attention qu’il mérite et la qualité d’accueil qu’il se doit d’offrir à ses visiteurs.
La muraille Sud du château et le campanile de l’église (Dessin Isabelle Boimond)